Exploiter la mouche à fruits pour modéliser le cancer
La prolifération incontrôlée de certaines cellules constitue l'une des caractéristiques du cancer. Les scientifiques ont montré que certaines voies de signalisation (Wnt, Notch, Ras, Hippo, PI3K ou JAK/STAT) étaient fortement associées à l'apparition ou la progression du cancer, mais toutes les potentialités de ces molécules signals comme cibles thérapeutiques ne sont pas encore totalement exploitées. Dans ce contexte, le projet CANCERPATHWAYS (« Developmental molecular pathways in Drosophila as a model for human cancer»), financé par l'UE, a rassemblé d'éminents experts scientifiques afin d'obtenir des progrès significatifs dans le domaine fondamental de la biologie du cancer. Pour ce faire, les partenaires du consortium ont utilisé Drosophila melanogaster, la mouche à fruits, car il s'agit d'un système biologique très puissant pour l'étude des voies physiologiques du cancer. Pour étudier l'évolution fonctionnelle de certains gènes dans le développement du cancer et identifier de nouvelles cibles au sein des voies de signalisation oncogéniques, les scientifiques ont généré une bibliothèque génomique d'ARN interférents (ARNi) ciblant pratiquement chaque gène du génome de la Drosophile. Pour concevoir et évaluer ces réactifs génomiques, les chercheurs ont développé un algorithme dédié, NEXT-RNAi, disponible sur le site(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre). Ils ont ainsi pu générer près de 12 000 lignées d'ARNi de drosophiles transgéniques en partant de cette bibliothèque, celles-ci sont maintenant disponibles en passant par le centre viennois de la drosophile (VDRC, pour Vienna Drosophila RNAi Center). Le consortium CANCERPATHWAYS a également développé de nouveaux essais biologiques pour le dépistage des ARNi et le screening de bibliothèques de molécules et pour évaluer leur impact sur la compétitivité cellulaire et l'activité biologique des différentes voies de signalisation. Le criblage à grande échelle de ces ARNi a permis d'identifier certains gènes pouvant devenir de nouvelles cibles thérapeutiques. Le screening à haut débit de milliers de molécules a, quant à lui, permis d'identifier de nouveaux composés potentiels susceptibles d'interférer avec l'activité des voie de signalisation oncogéniques. En utilisant de nouvelles techniques d'imagerie permettant l'analyse simultanée de caractéristiques multiparamétriques, les chercheurs ont pu réaliser un dépistage phénotypique des différentes lignées cellulaires. Les logiciels d'analyse développés au cours de ce projet sont disponibles en kit sur le site Bioconductor. D'autres travaux expérimentaux ont également permis d'identifier de nouveaux mécanismes contrôlant l'activité de Notch et de nouvelles cibles transcriptionnelles de la voie de signalisation JAK/STAT agissant comme effecteurs de la cancérogénèse hématopoïétique. Dans l'ensemble, les travaux menés dans le cadre du projet ont montré que la drosophile constituait un excellent modèle pour le dépistage rapide, à haut débit de molécules anticancéreuses et l'identification de nouvelles cibles thérapeutiques. Les outils puissants développés par les chercheurs ont permis l'identification de nombreux facteurs clés de la cancérogénèse qui n'auraient pas été détectés en utilisant les approches conventionnelles dites «top down» ou descendantes. Une brochure d'information sur ce projet est disponible(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre)