Les modifications de l'ADN lors de la réponse immunitaire
Pour soigner des situations pathologiques complexes comme peuvent l'être le cancer ou les maladies auto-immunes, nous avons besoin de parfaitement comprendre les notions fondamentales de la biologie humaine. Le projet AID RECRUITMENT («Targeting of DNA deaminase AID via transcription and the RNA pol II elongation complex»), financé par l'UE, s'est justement fixé pour objectif d'apporter un nouvel éclairage sur le fonctionnement du système immunitaire humain et ses connexions avec l'apparition des maladies. La survie d'un organisme exige que l'ADN des tissus somatiques reste stable afin d'éviter des pathologies comme le cancer. Au niveau du système immunitaire, les mutations (et par conséquent, un certain degré d'instabilité) sont nécessaires afin que l'organisme soit capable de produire les anticorps nécessaires à la lutte contre la multitude de pathogènes infectieux. La cytidine désaminase induite par activation (DIA) est une protéine de la famille des désaminases qui désaminent (élimine un groupement aminé, NH2) les cytosines (ou les 5-méthyl cytosine) de l'ADN pour générer un résidu uracile (thymidine). Ces modifications de base sont nécessaires à la réparation de l'ADN, sa méthylation, sa mutagénèse, sa recombinaison ou l'élimination de l'ADN viral/exogène. Certaines études ont également montré que la cytidine désaminase induite par activation jouait aussi un rôle important pendant la reprogrammation épigénétique au travers de la désamination des cytosines méthylées. Les modifications épigénétiques sont des altérations de l'expression génomique qui ne nécessitent aucun changement de la séquence ADN. Surtout, le statut épigénétique du génome est profondément altéré dans les cellules cancéreuses. Les chercheurs ont observé que le site actif de la désaminase induite par activation présentait une limitation stérique qui l'obligeait à n'accepter que les modifications méthyl-cytosine de la séquence ADN. Cette observation constitue une donnée essentielle car elle implique que la désaminase DIA ne peut modifier d'autres marques épigénétiques comme les hydroxy-méthyl-cytosines. Pour comprendre la fonction de cette désaminase, la question essentielle à laquelle les chercheurs doivent répondre est celle-ci : Pourquoi certaines cytosines constituent-elles des cibles préférentielles pour les désaminases ? Les chercheurs ont montré que l'enzyme s'associait d'elle-même avec la machinerie d'expression de l'ARN (ARN polymérase II) pour atteindre sa cible. Ils ont également démontré que la désaminase avait une influence sur l'activité de l'ARN polymérase II au niveau des sites visés. Ils ont présenté leurs recherches dans plusieurs articles publiés dans des revues scientifiques d'excellence. Ils ont également ré-analysé les banques de données ouvertes contenant les informations patients de différents cancers, particulièrement celles présentant des mutations de certains gènes régulateurs clés, comme par exemple les gènes suppresseurs de tumeurs. L'analyse des «empreintes» de désaminases d'ADN (y compris DIA) a révélé une forte corrélation entre les mutateurs putatifs (désaminases d'ADN) et le type de cancer (côlon, peau, foie, etc.). Ces informations et des données sur la régulation de la cytidine désaminase induite par activation par les hormones (œstrogènes), ont été présentées dans plusieurs articles détaillés. Ces études essentielles quant à la fonction ou la régulation de la cytidine désaminase pendant les phases normales de croissance et de développement nous permettront de mieux comprendre comment les mutations de l'ADN peuvent conduire à une situation pathologique.