Les amours secrets des ascidies
Certes, la connaissance des interactions complexes entre les invertébrés de l'hôte et les microbes symbiotiques revêt une importance majeure. Cependant, de nombreuses questions persistent, dont les réponses se trouvent peut-être dans le projet européen SYMASC («Bacterial symbiosis in ascidians»). Les chercheurs ont analysé la diversité génétique, la variation spatio-temporelle et l'importance fonctionnelle des micro-organismes symbiotiques des ascidies. Le microbiote des ascidies s'avère très différent de celui des communautés de microbes qui évoluent dans les océans. Les scientifiques ont par ailleurs révélé que certains micro-organismes associés aux ascidies étaient communs à d'autres invertébrés, alors que d'autres leur sont propres. L'association des ascidies et des microbes semble stable au fil du temps puisque l'on trouve généralement les bactéries tant chez les larves que chez les adultes. Cela montre bien qu'au moins certains symbiotes bactériens s'avèrent indispensables pour l'établissement et la survie à long terme des ascidies. Par ailleurs, la symbiose entre les ascidies et les micro-organismes existe indépendamment de facteurs tels que le cycle de vie de l'hôte, le niveau de pression et la température des eaux environnantes. Les études sur le microbiote des ascidies ont également montré que ces associations sont maintenues par le micro-environnement propre à l'hôte, qui offre les conditions optimales pour diverses voies métaboliques. Ainsi, un vaste substrat chimique, qui se présente sous la forme de résidus riches en ammoniac et propices à la nitrification microbienne, mais aussi une exposition suffisante à la lumière de sorte que les symbiotes cyanobactériens puissent assurer la photosynthèse. Les ascidies rassemblent donc les conditions idéales au développement d'un autre groupe de micro-organismes. L'ascidie invasive Styela plicata a fait l'objet d'une étude approfondie. Il s'avère que les communautés de bactéries qu'elle abrite pourraient l'aider à survivre et à s'acclimater dans de nouveaux habitats grâce à une symbiose avec les bactéries locales. SYMASC a présenté une étude interdisciplinaire des interactions entre l'hôte (l'ascidie) et le symbiote (les microbes). Elle a permis une avancée considérable dans l'étude des symbioses entre les invertébrés et les microbes, mais aussi une meilleure compréhension de la réaction des micro-organismes symbiotiques aux changements d'environnement et leur interaction avec leurs hôtes. De nouveaux éléments sur la vulnérabilité à court terme et la résistance à long terme de ces organismes évoluant sur les fonds marins ont également pu être obtenus. Les résultats du projet SYMASC permettront de jeter les bases des études à venir et la conception des plans de gestion qui autoriseront la préservation à long terme de la biodiversité marine.