Comprendre l'évolution des protéines
Le mauvais repliement des protéines et leur agrégation en fibrilles amyloïdes sont des caractéristiques d'affections graves comme la maladie d'Alzheimer, la polyneuropathie amyloïde familiale (PAF) et l'athérosclérose. Il est bien connu que les fibrilles amyloïdes peuvent être biologiquement fonctionnelles, mais on ne sait pas encore pourquoi de nombreuses protéines différentes, qui adoptent souvent une structure quaternaire fonctionnelle dans des conditions normales, peuvent se convertir en un agrégat amyloïde riche en feuillets ß. Les chercheur du projet STAMYEV, financé par l'UE, cherchent à répondre à une question restée sans réponse, qui est de savoir si les mécanismes moléculaires de la formation d'amyloïde ont été ou non conservés au cours de l'évolution. «Notre objectif était d'abord de mettre au point des outils et des approches pouvant être utilisés pour étudier les bases moléculaire de la propension amyloïde des protéines,» déclare Deborah Power, chercheuse du projet. Bien qu'il existe de nombreuses études sur l'évolution des gènes, très peu de recherches ont été faites sur la façon dont l'évolution des protéines et les modifications des séquences protéiques peuvent altérer le repliement, la structure et les caractéristiques générales des protéines. «Nous voulions savoir pourquoi, au cours de l'évolution et au vu des effets négatifs qu'elle a sur la santé d'un organisme, la formation d'amyloïde a été conservée, et même accrue dans certains cas,» déclare Mme Power. L'apolipoprotéine A1 L'étude de STAMYEV ciblait deux protéines modèles: l'apolipoprotéine A1 (apoA-I), un transporteur du cholestérol impliqué dans l'athérosclérose et l'amylose familiale, et la transthyrétine (TTR), un transporteur d'hormones thyroïdiennes (TH) qui forme l'amyloïde dans la PAF. L'étude de l'apolipoprotéine A1 a impliqué plusieurs modifications de la séquence protéique et l'évaluation de leur impact sur le repliement et la stabilité de la protéine. Cette étude comprenait un mutant de l'apolipoprotéine A1 récemment identifié chez des patients atteints d'amylose à apolipoprotéine A1. «La mutation de l'apolipoprotéine A1 est unique au sens où elle a peu d'effet sur la structure secondaire globale de la protéine, même si en elle réduit la stabilité,» explique Mme Power. Les chercheurs ont également remarqué que plusieurs autres mutations ponctuelles dans une région particulière de la protéine, le domaine du faisceau d'hélices, provoquaient une modification du repliement de la chaîne aromatique par rapport à la protéine native. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs se sont appuyés sur une version tronquée de la protéine apoA-I constituée uniquement de sa région N-terminale, qui est très stable par rapport à la très instable protéine complète. Les études ont permis à l'équipe de recherche de valider l'utilisation de variantes tronquées à extrémité c-terminale comme modèles structurels pour comprendre la stabilité et la propension amyloïde de leurs homologues en pleine longueur. La transthyrétine (TTR) Les chercheurs du projet ont également abordé la question de l'évolution de la protéine et de la façon dont celle-ci influence sa structure et sa stabilité. Ils ont pour cela utilisé les TTR de la lamproie (le vertébré existant le plus primitif) et de la daurade, qu'ils ont comparées à la protéine humaine. «Notre analyse approfondie de la stabilité et de la propension à la formation amyloïde de ces trois TTR distantes sur le plan évolutionnaire a révélé que, au cours de l'évolution des agnathes vers les humains, la TTR a acquis non seulement une affinité pour les hormones thyroïdiennes, mais qu'elle est devenue susceptible à l'amyloïdose et, paradoxalement, plus thermostable,» déclare Mme Power. Celle-ci fait remarque que ces résultats étaient totalement inattendus, car la protéine plus thermostable chez les humains s'est avérée plus susceptible à l'amyloïdose. «Nous menons des études complémentaires pour mieux comprendre les bases moléculaires de l'accroissement de la stabilité thermique et de la propension à l'amyloïdose de la TTR chez les humains,» ajoute-t-elle. De meilleurs traitements en vue Grâce à une meilleure compréhension du processus sous-tendant les maladies neurodégénératives répandues dans les populations âgées, STAMYEV va probablement déboucher sur l'identification de nouveaux traitements plus efficaces. Cela revêt une importance particulière en Europe, où l'âge moyen de la population est en augmentation. «Les coûts sociaux liés aux maladies amyloïdogènes sont considérables en termes de besoins de soins et de perte de travail, mais aussi à cause de l'impact négatif qu'elles ont sur la structure et le fonctionnement de la société,» conclut Mme Power. «Nous pensons que le travail réalisé dans le cadre du projet STAMYEV constituera la base de futures études destinées à inhiber la formation d'amyloïde.»
Mots‑clés
STAMYEV, maladies neurodégénératives, formation d'amyloïde, mauvais repliement des protéines