Modifications de la chromatine pendant la reprogrammation cellulaire
Les cellules souches pluripotentes induites (CSPi) apparaissent de plus en plus comme des outils extrêmement puissants, non seulement pour la modélisation des maladies, mais également dans le cadre des thérapies de remplacement cellulaire. Des études de preuve de principe ont montré qu'un certain nombre de maladies génétiques, complexes ou cancéreuses pourraient bénéficier de ces thérapies cellulaires. Pourtant, malgré leur immense potentiel, de nombreux obstacles techniques subsistent encore pour obtenir une production efficace de ces CSPi. Les mécanismes fondamentaux par lesquels l'identité propre des cellules somatiques est remplacée par celle de cellules pluripotentes pendant la reprogrammation restent en effet encore mal définis. L'identité cellulaire est largement contrôlée par des mécanismes épigénétiques qui régulent l'expression des gènes. Bien que nous possédions des informations substantielles sur les différents états épigénétiques avant et après la reprogrammation, le rôle des gènes modificateurs clés de la chromatine pendant la reprogrammation reste largement inexploré. Pour répondre à ces questions, les partenaires du projet CMR (Chromatin modifiers in reprogramming) financé par l'UE ont proposé d'explorer les mécanismes moléculaires à l’origine de la reprogrammation cellulaire, et d’étudier en particulier, le rôle de ces modificateurs de chromatine. Leurs travaux ont porté essentiellement sur le mécanisme par lequel l'inhibition des histones méthyl-transférases, Suv39H1 et Setd2, renforçait la reprogrammation cellulaire. Les chercheurs ont utilisé des outils génétiques et chimiques et montré que Suv39H1 agissait comme un suppresseur pendant les phases initiales de la reprogrammation. Des expériences d'immunoprécipitation de la chromatine ont révélé que Suv39H1 régulait les gènes associés à la pluripotence NANOG et SOX2, en modifiant la méthylation des régions promotrices de ces gènes. La méthylation de la lysine 36 de l'histone H3 (H3K36) agit par ailleurs comme un frein à la reprogrammation mais sa perte n'est pas suffisante pour directement activer le réseau de pluripotence. Les chercheurs ont ainsi identifié d'autres sites de méthylation qui agissent de manière antagoniste avec H3K36 lors de l'acquisition de la pluripotence. Dans le même temps, grâce au criblage par perte de fonction, ils ont pu identifier des déméthylases qui renforçaient ou freinaient l'efficacité de la reprogrammation. Au total, les activités du projet CMR nous apportent ainsi des informations fondamentales quant au mécanisme de reprogrammation cellulaire. Ses résultats ne contribuent pas seulement à la production plus efficace de CSPi, mais ils auront un impact significatif sur les méthodologies utilisées pour l’utilisation clinique de la dérivation des cellules souches pluripotentes induites.
Mots‑clés
Modification de la chromatine, reprogrammation cellulaire, cellules souches pluripotentes induites, CMR, Suv39H1