Qu’est-ce qui fait qu’un visage tombe dans la «vallée de l’étrange»?
Lorsque la bande-annonce du film Sonic est sortie, le public a été perturbé. L’adaptation au cinéma du célèbre hérisson bleu des jeux vidéo avait engendré ce que beaucoup considéraient comme une créature inquiétante, aux yeux mal alignés et aux dents «terriblement humaines». Alors, où se situe la limite entre un adorable hérisson surpuissant et un effrayant extraterrestre bleu? «Les animations doivent trouver un compromis avec l’apparence réelle, mais pas trop», explique Josep Blat, professeur d’informatique à l’université Pompeu Fabra de Barcelone. C’est là que se situe la vallée de l’étrange, l’aspect troublant d’un visage qui est presque humain, mais qui ne l’est manifestement pas.
Perplexité, malaise, voire dégoût
Selon la théorie de la vallée de l’étrange, les visages qui ne ressemblent pas parfaitement à des êtres humains réels provoquent chez les spectateurs un sentiment étrange de perplexité, de malaise, voire de dégoût. «Les animateurs doivent éviter de s’aventurer dans cette vallée, ce qui implique de créer des personnages crédibles», explique Josep Blat, qui compte des années d’expérience dans la conception d’infographies et d’animations pour l’industrie du cinéma et des jeux vidéo.
Un décalage invraisemblable
Selon Josep Blat, la vraisemblance n’est pas toujours synonyme d’animations ou d’effets spéciaux sophistiqués. En réalité, plus une illustration est complexe, plus le risque d’invraisemblance est élevé. C’est pourquoi les vieux dessins animés du samedi matin mettant en scène des animaux parlants sont crédibles, alors qu’un film musical avec des chats ressemblant à des humains s’avère être un flop. «L’invraisemblance est souvent le résultat d’un décalage entre les différents éléments de l’animation», explique Josep Blat. «Si tout ce qui concerne un personnage (ses mouvements, son intelligence, son apparence, son expression, son expérience, ses émotions) ne correspond pas, les spectateurs rejetteront probablement l’animation.» Un bon exemple de cette inadéquation est la tentative de la Paramount de porter Sonic sur grand écran, avec une star dont les yeux et les dents de type humain ne correspondaient pas à son visage et son corps de dessin animé.
Trouver le bon équilibre
Pour éviter la vallée de l’étrange, il ne suffit pas de faire concorder les traits du visage. Les caractéristiques de l’animation doivent également correspondre aux émotions et aux sentiments que nous associons à ces caractéristiques. «Lorsqu’un visage est animé, les animations faciales doivent véhiculer les bonnes émotions pour être crédibles», ajoute Josep Blat. Il va sans dire que trouver cet équilibre n’est pas chose aisée, et cela a des répercussions au-delà des films et des jeux vidéo. «Les expériences des secteurs du cinéma et des jeux vidéo peuvent fournir des enseignements importants que les secteurs de l’IA, de la robotique et des assistants virtuels seraient bien avisés de suivre», conclut Josep Blat. Pour en savoir plus sur le travail de Josep Blat en matière de conception d’éléments réalistes pour ces technologies émergentes: Des compagnons virtuels qui ressemblent à des humains et se comportent comme eux
Mots‑clés
PRESENT, animation, émotion, infographie, vallée de l’étrange, IA, film, jeu