Décoder le rôle des récepteurs nicotiniques dans le cancer de la prostate et du colon
Les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) (nAChRs) sont des canaux ioniques transmembranaires qui sont activés par le neurotransmetteur acétylcholine ou la drogue nicotine. Ils sont constitués de cinq sous-unités codées par 16 gènes différents et présentent donc des propriétés et des fonctions diverses. Bien que les nAChRs soient largement exprimés dans le système nerveux périphérique et central, ils sont également présents dans l’ensemble du corps. Outre leurs propriétés ionotropiques bien décrites, ces récepteurs activent également plusieurs voies de signalisation intracellulaires dans les neurones et d’autres types de cellules. Il est bien établi que le tabagisme est lié à plusieurs types de cancer, car la nicotine et les nitrosamines dérivées du tabac activent les nAChRs, contribuant ainsi à la progression du cancer et à la résistance à la chimiothérapie. Dans le cancer du poumon, on sait que l’exposition à la nicotine, par le biais de l’interaction avec les nAChRs, augmente la prolifération cellulaire, la transition épithéliale-mésenchymateuse et l’invasion cellulaire. Cependant, les contributions spécifiques des nAChRs à la physiopathologie des cancers de la prostate et du colon restent inexplorées.
Expression des nAChRs dans le cancer
Mené avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) (MSCA), le projet nAChRs-CRC-PCa-IF-RI visait à identifier et à caractériser les nAChRs spécifiques impliqués dans les cancers de la prostate et du colon. «Nous voulions comprendre le rôle de ces récepteurs dans des processus cellulaires tels que la migration, la prolifération et l’invasion», explique Maria Maldifassi, chargée de recherche aux MSCA. Les chercheurs ont étudié les niveaux de nAChR dans les cellules cancéreuses du sein, du côlon et de la prostate et ont observé des profils d’expression distincts. En particulier, l’expression de la sous-unité nicotinique alpha-5(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) s’est avérée cruciale pour la prolifération et la migration induites par la nicotine. La régulation de l’alpha-5 a entravé la migration des cellules cancéreuses en réduisant l’expression des marqueurs de la transition épithélio-mésenchymateuse (TEM) et des protéines de régulation immunitaire, typiquement favorisée par la nicotine. Une autre découverte essentielle a été l’impact de la variante génétique de la sous-unité alpha-5 (polymorphisme D398N), qui est liée à la dépendance à la nicotine dans le cancer du poumon. Ce polymorphisme entraîne une augmentation basale de la prolifération et de la migration des cellules cancéreuses de la prostate. L’ensemble de ces résultats suggère que la prolifération et la migration des cellules cancéreuses induites par la nicotine sont médiées par l’alpha-5, ce qui en fait une cible thérapeutique potentielle.
Modèles de cancer en 3D
Les projets sont parvenus à utiliser des cultures 3D(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) pour évaluer les effets de la nicotine sur la viabilité des cellules cancéreuses et l’expression des marqueurs. Les résultats indiquent que l’activation des nAChRs par la nicotine peut modifier la viabilité et augmenter les marqueurs du cancer dans les sphères dérivées du cancer du poumon, mais pas dans celles dérivées du cancer de la prostate. Par rapport aux cultures conventionnelles en 2D, ces modèles de cancer en 3D ressemblent davantage à l’environnement physiologique pour l’étude de l’invasion et de la migration des cellules immunitaires dans les tumeurs solides.
Orientations futures
«Dans l’ensemble, le projet a permis de mieux comprendre les effets de la nicotine sur la promotion des tumeurs, au-delà du cancer du poumon. Il a montré que la consommation de nicotine est également associée au cancer de la prostate, au cancer colorectal et au cancer du sein, soulignant le potentiel de la sous-unité alpha-5 en tant que cible thérapeutique», souligne Maria Maldifassi. À l’avenir, l’équipe de recherche prévoit d’établir des modèles de cancer en 3D, tels que le poisson-zébré et les xénogreffes dérivées de patients, et d’utiliser des approches pharmacologiques pour étudier plus avant le rôle de la sous-unité alpha-5 dans les mécanismes pro-oncogéniques du cancer. En outre, le développement de modèles de cancer en 3D permettra d’explorer le rôle d’autres canaux ioniques dans la progression du cancer.